4.1 Approche plurielle d'un développement durable

La société est un système complexe, dont le comportement est difficile à prévoir. Il y a donc incertitude quand à l'état dans lequel il se trouve et quant au sens dans lequel il va évoluer. Le Conseil scientifique de la politique gouvernementale aux Pays-Bas1 distingue, sur base de leur origine, l'incertitude statistique et l'incertitude de principe.

L'incertitude statistique est la conséquence d'une connaissance imparfaite des effets de l'action humaine sur le système sociétal ou sur certaines de ses composantes. Comme ces effets ne peuvent pas être mesurés exactement, seule une estimation statistique peut être donnée. Il y a des imprécisions sur les liens de cause à effet. L'action humaine peut donner lieu à des externalités négatives dont l'effet est incertain. La quantité de poisson qui peut être pêchée sans mettre en danger le stock d'une espèce est un exemple de ce type d'incertitude.

L'incertitude de principe est la conséquence de différences de vues sur la relation entre une action humaine et ses impacts sur le système sociétal et sur ses composantes. Certains effets de rétroactions sont si mal connus que leur existence même est sujette à débat. L'incertitude émane des doutes sur l'existence d'externalités négatives créées par l'action humaine. L'ignorance porte sur les liens de cause à effet. Il est donc impossible de calculer l'ampleur de l'incertitude, mais seulement de donner une estimation normative. Les discussion sur l'existence d'un effet des activités humaines sur le climat illustre ce type d'incertitude.

Ces deux facteurs mènent à des incertitudes sur la relation de cause à effet entre les actions humaines et le développement du système sociétal et de ses composantes. L'imprécision et l'ignorance quant à l'ampleur ou même l'existence des externalités négative crée des risques2 que des actions humaines (ou le manque d'action humaine) mènent à des effets insoutenables pour le système sociétal. Améliorer les connaissances sur ces externalités peut réduire partiellement le risque, mais pas le supprimer totalement. Il paraît donc raisonnable de tenir compte de ces risques dans la prospective en matière de développement durable.

Quand les risques ne sont pas exactement mesurables, leur estimation comprend une part subjective. Selon le wrr, "l'existence de ces risques subjectifs est la raison pour laquelle différentes visions sur le développement durable peuvent exister côte à côte" (wrr 1994). Les différences de vue sont entre autres dues à des différences dans la perception de ces risques. Les perceptions sont dans ce cas "des descriptions cohérentes du fonctionnement du monde et de la façon dont les décideurs devraient réagir à cet égard3". Dans ce Rapport, elles représentent la clé qui a permis de formuler trois perspectives fondant l'action. Cette approche est semblable à celle suivie dans le premier Rapport fédéral de développement durable4.

Une approche plurielle d'un développement durable tient donc compte d'un monde dans lequel existent des incertitudes, des risques et des différences quant à la perception des risques. Ceci impose d'envisager plusieurs perspectives fondant l'action en direction d'un développement durable. Dans ce Rapport, trois perspectives sont élaborées et appliquées aux 10 problématiques. Chaque perspective fondant l'action consiste en une vision du monde et une vision politique. Chaque vision du monde décrit un certain type de perception des risques associés à la réduction de certains stocks de capitaux5. La vision politique correspondante décrit comment ceux qui ont cette perception souhaitent que le gouvernement fédéral y réagisse sur le plan politique.

Chaque perspective fondant l'action correspond donc à un scénario pertinent décrivant une attitude politique différente à l'égard des valeurs et principes d'un développement durable. La prise en compte de cette pluralité d'approches possibles est conforme à la démarche de ce Rapport. Celle-ci est grand ouverte sur un débat et un dialogue démocratiques à propos des enjeux du développement à long terme. Ces scénarios montrent bien le contraste existant - comme dans la réalité - entre les options politiques liées à des perceptions différentes de l'ampleur des risques pesant respectivement sur l'évolution des stocks de capitaux humain, environnemental et économique.

4.1.2 Éléments pour construire les visions du monde

Afin de structurer et de décrire les différentes visions du monde, un cadre conceptuel est nécessaire. Ce Rapport s'inspire des travaux de l'icis6 en cette matière. Celui-ci adopte une approche systémique intégrée comme cadre conceptuel pour la prospective en matière de développement durable. Ce cadre permet de considérer le développement durable comme une gestion stratégique des trois stocks de capitaux présentés dans la partie 1.

4.1.2.1 Utilisation du modèle triangulaire

La première partie a présenté l'approche systémique intégrée sous forme d'un modèle triangulaire (voir figure 1.2, partie 1). Ce modèle divise le système sociétal en stocks de capital humain, environnemental et économique7. Quatre propriétés caractérisent chaque stock de capital: sa quantité (par exemple, le nombre d'hectares de forêt, le nombre de kilomètres de voie ferrée), sa qualité (par exemple, la biodiversité de la forêt, les services prestés par les chemins de fer), ses fonctions (par exemple, détente, biotope, production de bois; transport de personnes et de biens) et enfin sa répartition géographique (par exemple, la proximité de la forêt, de la gare).

Les stocks de capitaux exigent un entretien ou des "investissements de remplacement" afin de préserver leur quantité, leur qualité, leurs fonctions et leur répartition. Si ces investissements sont insuffisants, il y a sous-investissement ou gestion non durable du stock et donc un risque d'épuisement du stock. Les connaissances relatives à la quantité existante, la qualité, les fonctions et la répartition des trois stock de capitaux ainsi que celles relatives aux valeurs critiques pour leur maintien sont sujettes à des incertitudes. Le choix d'investir dans l'un ou l'autre stock est dès lors subjectif.

Les trois visions du monde définissent différentes possibilités pour le gouvernement fédéral de gérer la quantité, la qualité, les fonctions et la répartition des stocks de capitaux. Ces différentes visions du monde proviennent des différences de perception des risques liés à une gestion non durable de chacun des stocks de capital, tant séparément que conjointement.

4.1.2.2 Substitutions entre stocks de capital

Dans chacune des trois visions du monde, la perception des risques donne lieu à une interprétation différente de la possibilité et de l'opportunité de substitutions entre les stocks de capital humain, environnemental et économique (voir figure 1.2). L'icis8 identifie trois types de "substituabilité" entre les trois stocks de capital. La substitution peut se produire entre les diverses propriétés dans un même stock de capital (quantité, qualité, fonctions et répartition) ainsi qu'entre les propriétés des différents stocks de capital.

Substitution entre capital économique et environnemental: le capital économique peut s'accroître au prix d'une réduction du capital environnemental (l'environnement est une matière première et un réservoir de déchets). Une partie du capital économique peut toutefois aussi être dépensé pour accroître le capital environnemental en le gérant (protection de l'environnement).

Substitution entre capital économique et humain: l'augmentation de la productivité du capital économique (délocalisation) peut aller de pair avec une diminution du capital humain (davantage de chômage dans le pays d'origine), mais une partie du capital économique peut aussi être investi dans le fait de maintenir le capital humain à niveau (soins de santé, sécurité...).

Substitution entre capital humain et capital environnemental: l'augmentation du capital humain (davantage de bien-être sous forme de confort dans l'habitation) peut engendrer une pression sur le capital environnemental (davantage d'occupation de l'espace). La protection du capital environnemental (moratoire sur la pêche) peut aussi porter atteinte au capital humain (chômage des pêcheurs).

Les visions du monde développées dans ce Rapport ne peuvent pas exprimer toutes les formes de substitution possible entre les stocks de capital (bien plus de trois visions seraient nécessaires). Les visions du monde choisies se concentrent sur les possibilités de substitution entre, d'une part, le capital économique et, d'autre part, les capitaux humain et environnemental.

4.1.2.3 Gestion des stocks de capital

Dans l'approche systémique intégrée, la bonne gestion des trois stocks de capital du système sociétal est au cœur d'un développement durable. Cette gestion se fait en fonction des cinq principes de développement durable et des critères d'efficacité économique, de justice sociale et de résilience environnementale, décrits dans la partie 1. Chaque vision du monde prend néanmoins en considération les principes et les critères de façon différente.

Comme le montre la figure 1.2 de la partie 1, les stocks de capitaux évoluent aussi en fonction d'interactions mutuelles et de développements autonomes. Une politique spécifique ne peut gérer qu'une partie des causes de changement. Il en découle qu'il n'est généralement pas possible de diriger mais bien de corriger ou d'orienter l'évolution des capitaux.

4.1.3 Description des trois visions du monde

Les éléments exposés ci-dessus montrent que les visions du monde sont structurées sur base d'une division du système sociétal en trois stocks de capital. Elles diffèrent sur le plan du contenu par la gestion des stocks de capital (les interventions sur leur quantité, leur qualité, leurs fonctions et leur répartition) et par les possibilités de substitution entre les stocks de capital. Elles donnent enfin lieu à différentes façons de prendre en compte les cinq principes de développement durable présentés dans la partie 1. Ces éléments structurels représentent les fondements pour la définition des trois visions du monde.

Cette section expose les notions principales qui différencient les trois visions du monde. Le chapitre 4.2 détaillera chaque vision du monde et l'appliquera aux dix problématiques de développement durable présentées dans la partie 1. Le chapitre 4.3 traduira, pour chacune des dix problématiques, ces visions du monde en visions politiques à savoir des propositions générales et concrètes pour le gouvernement fédéral. Les visions du monde et les visions politiques forment ensemble trois perspectives fondant l'action différentes. Ce sont des points de repère pour un débat ouvert sur les orientations de la décision politique en faveur d'un développement durable.

La figure 4.1 présente différentes visions des risques sociaux, environnementaux et économiques ainsi que des possibilités de substitution entre les stocks de capital. Ce sont les différences essentielles entre les trois visions du monde proposées dans ces scénarios.

Sur base de la figure 4.1 et des éléments décrits plus haut, une description de chaque vision du monde peut être esquissée.

1. "Utiliser": la préservation du stock de capital économique est primordiale. A court terme, les risques associés à des atteintes aux capitaux humain et environnemental sont considérés comme faibles. Ils sont aussi perçus comme nettement moins élevés que ceux qui découleraient d'atteintes au stock de capital économique. Autrement dit, les externalités négatives sur les capitaux humain et environnemental de l'action humaine sont considérées comme moins élevées que celles causées par des mesures de protection sociale et environnementale sur le capital économique. Tant la quantité de capital économique que les fonctions qu'il remplit doivent être préservées. La substitution des capitaux humain et environnemental par du capital économique est possible, tant que les revenus provenant de leur utilisation sont réinvestis et non consommés9. Une forte croissance économique est nécessaire, selon cette vision, pour pouvoir disposer à long terme de suffisamment de capital économique, dont une partie servira à investir dans la gestion des stocks de capital humain et environnemental.

2. "Gérer": non seulement les risques économiques sont considérés comme élevés à court terme, mais les risques associés à des atteintes aux capitaux humain et environnemental sont considérés comme importants. Ceux qui ont une telle perception des risques en présence souhaitent que le gouvernement intervienne dans le stock de capital économique afin de garantir un stock suffisant tant quantitativement que qualitativement de capitaux humain et environnemental. L'intervention est cependant limitée par les contraintes classiques de gestion du stock de capital économique en présence d'externalités. Une augmentation de la qualité du capital économique compense une perte en quantité. Les fonctions que remplit le capital économique restent, elles, inchangées. Les possibilités de substitution entre stocks de capital sont plus limitées que dans le scénario "Utiliser".

3. "Transformer": les risques associés à des atteintes aux capitaux humain et environnemental sont considérés comme très élevés dans cette vision du monde. Les externalités sociales et environnementales des actions humaines sont considérées comme substantielles. Les risques pris en intervenant dans le stock de capital économique sont en revanche perçus comme assez faibles. Ceux qui ont une telle perception des risques souhaitent que le gouvernement intervienne énergiquement et à court terme dans le capital économique pour protéger les stocks de capitaux humain et environnemental. Ses interventions agissent par une réduction des quantités, l'amélioration de la qualité et le changement des fonctions du capital économique. De plus, une répartition géographique équitable des stocks de capital humain, environnemental et économique au niveau mondial est fondamentale dans cette vision du monde.

4.1.4 Traduction des visions du monde en visions politiques

La figure 4.2 reprend l'ensemble du raisonnement présenté dans les sections précédentes. Le point de départ est le fait que le manque de clarté et l'ignorance relatifs au fonctionnement du système sociétal donnent lieu à des incertitudes sur l'avenir et à l'existence de risques. L'évaluation de ces risques est pour une part subjective et donne donc lieu à des perceptions des risques divergentes. Celles-ci forment la base des différentes perspectives fondant l'action.

Comme il a déjà été indiqué, les perspectives fondant l'action doivent être subdivisées en visions du monde et en visions politiques. Les visions du monde présentent les différentes façons dont les risques peuvent être perçus². Quant aux visions politiques, elles traduisent les visions du monde en mesures concrètes pour orienter le système sociétal vers un développement durable. Le texte de ce Rapport illustre cette approche à l'aide des dix problématiques choisies. Pour chacune d'elles, il présente trois voies de développement différentes.

Le schéma montre aussi qu'une série de facteurs ou déterminants exogènes influencent la situation des problématiques. Les mesures prises en fonction des visions politiques peuvent soit modifier directement l'état des problématiques, soit les modifier indirectement, par le biais de l'influence des déterminants. Le manque de connaissances sur la relation entre les déterminants, l'état des problématiques et les effets des mesures contribue aux incertitudes sur l'avenir.

4.1.5 Déterminants: bras de levier pour les politiques

Pour formuler des mesures, un gouvernement quelle que soit sa vision politique, a besoin d'informations sur l'état des problématiques et sur leurs principaux déterminants (voir figure 4.2). Les parties 1 et 2 de ce Rapport portent sur l'état des problématiques. Pour ce qui est des déterminants, la section suivante restitue le résultat d'une analyse des principaux déterminants pour les 10 problématiques. Ils sont répartis en déterminants économiques, technologiques, géographiques, psychosociaux et sociaux. Les déterminants institutionnels, qui poussent les autres dans la direction choisie10, forment la dernière catégorie de déterminants. Tout comme les problématiques, les déterminants sont des bras de leviers pour la politique.

4.1.5.1 Déterminants économiques

Le niveau de la croissance économique est un déterminant important pour l'évolution de toutes les problématiques. Certains coûts et revenus peuvent également jouer un rôle déterminant pour des problématiques spécifiques.

Pour les entreprises, un climat de forte croissance économique facilite l'accès au capital, la prise de risques et le développement et la commercialisation de nouveaux produits. Les épargnants placeront également davantage d'argent dans des actions, ce qui peut favoriser les placements éthiques. Dans des phases de conjoncture élevée, les épargnants seront en effet davantage enclins à étendre leur portefeuille à des placements éthiques. Dans des phases de conjoncture basse, ils préféreront par contre se réfugier dans des formes plus traditionnelles de capitaux mobiliers et immobiliers, sans tenir compte de leurs impacts sociaux ou environnementaux. En ce qui concerne la demande en énergie et en transport des personnes, il existe jusqu'à ce jour une élasticité de revenu11 positive: lorsque le revenu national augmente en situation de croissance économique, la consommation d'énergie et la demande de transports augmentent également. En ce qui concerne l'énergie, cette élasticité diminue un peu grâce aux gains de rendement.

Les taux d'intérêt représentent une part considérable du coût des investissements. Dans la mesure où les nouvelles stratégies de production vont de pair avec de nouveaux investissements, des taux d'intérêt élevés vont freiner les investissements. Le coût des matières premières, des salaires et de la pollution sont également d'importants déterminants pour les entreprises. Le succès des investissements éthiques dépendra de leur rendement relatif à court, moyen et long terme par rapport aux fonds classiques. Le succès et la diffusion des technologies de l'information et de la communication (tic) dépendront également des prix d'accès à Internet, du matériel technologique et des logiciels. La demande d'énergie sera également liée aux prix. A son tour, celle-ci dépend de la quantité et de la stabilité d'approvisionnement et des perspectives de croissance économique. La demande pour les divers modes de transport dépend de leur prix relatif (par exemple prix de l'autobus par rapport à celui de la voiture) et absolu. La responsabilité financière de l'employeur, en cas de maladie professionnelle des travailleurs, déterminera combien sera investi dans la sécurité et la protection de la santé au travail.

4.1.5.2 Déterminants technologiques et scientifiques

L'état des connaissances technologiques et scientifiques et les acteurs qui en supportent les coûts déterminent la politique pour un certain nombre de problématiques. Il s'agit de la santé au travail, des effets de la consommation de tabac, de la production et la consommation d'énergie, de l'utilisation d'organismes génétiquement modifiés (ogm), du développement de stratégies de production alternatives, de la diffusion des tic et de la recherche de nouvelles applications en la matière pour des groupes cibles spécifiques.

La connaissance des impacts négatifs de l'exposition à des produits influence les normes de sécurité et de santé au travail. Les progrès médicaux préciseront les risques liés à la consommation de tabac, et limiteront aussi partiellement les dommages liés au tabagisme et à l'exposition à des produits à risque sur le lieu de travail. Le développement des technologies de l'information augmente également l'accès à l'information, de sorte que les travailleurs peuvent mieux s'informer sur les risques pour la santé au travail. Les nouvelles techniques de forage augmentent les stocks disponibles en combustibles fossiles. La recherche sur des sources d'énergie renouvelables augmente quant à elle la position concurrentielle d'alternatives énergétiques moins polluantes. Le progrès technologique et scientifique peut diminuer le niveau d'incertitude concernant les risques potentiels et les bénéfices des ogm. Enfin, de nouveaux produits, des techniques de production et de gestion nouvelles augmentent les possibilités de développement de stratégies de production plus durables.

4.1.5.3 Déterminants géographiques

La mondialisation, la stabilité politique, la répartition géographique des stocks de capital et l'aménagement du territoire influencent directement l'évolution des différentes problématiques.

Du fait de la mondialisation, les entreprises manufacturières des pays industrialisés ont tendance à se concentrer sur la création de produits ainsi que sur la recherche et le développement. La véritable production est délocalisée vers des pays disposant d'un potentiel de main d'œuvre moins chère. La délocalisation vers des pays disposant d'une législation moins sévère met également sous pression les normes en faveur de la sécurité et santé au travail. Les marchés pour le tabac s'élargissent également via la mondialisation. Les technologies de l'information fournissent au gouvernement et aux tiers un accès plus aisé à l'information et leur donnent ainsi la possibilité d'exercer un meilleur contrôle sur les activités des entreprises dans le monde entier.

La stabilité de l'approvisionnement en énergie est un facteur clé dans la politique énergétique. Elle dépend de la stabilité politique au niveau mondial et régional et de l'importance de la répartition géographique des réserves de combustibles fossiles. La demande de transport des personnes dépend quant à elle de la localisation du domicile, du lieu de travail et des lieux de loisirs. Un gouvernement peut agir sur ces déterminants, entre autres, par une politique d'aménagent du territoire et de développement du télétravail.

4.1.5.4 Déterminants psychosociaux

La sensibilité des entrepreneurs, des travailleurs, des consommateurs et des épargnants aux impacts environnementaux et sociaux de la production et de la consommation joue un rôle dans certaines problématiques.

Les entreprises s'inspirent de la sensibilité de leurs clients pour la protection sociale et de l'environnement. Les connaissances des travailleurs sur les risques pour la santé au travail et leur attitude à cet égard déterminent comment ils gèrent ces risques. L'attitude des consommateurs au sujet des ogm déterminera aussi leur succès et l'action gouvernementale. Enfin, le comportement des consommateurs joue un rôle dans le développement de l'économie sociale, la consommation de tabac et l'usage de moyens de transport alternatifs.

Cela vaut également pour le financement éthique. Les actionnaires font de plus en plus souvent usage de leur droit de veto aux assemblées générales pour insister sur la responsabilité sociétale des entreprises. Les administrateurs de fonds et les analystes financiers marquent également un intérêt croissant pour les placements éthiques. Il ressort d'une étude de la sofres12 que 77% des investisseurs préfèrent des fonds de placement socialement responsable à des fonds traditionnels, pour leurs rendements égaux ou plus élevés à long terme et ce, en dépit de leur rendement éventuellement moins élevé à court terme. Ils sont 30% à penser que la gestion des risques sociaux et environnementaux influence positivement la valeur de marché d'une entreprise à court terme et 86% pensent que cela se produit à long terme.

4.1.5.5 Déterminants sociaux

Les déterminants sociaux sont par exemple l'accès à l'enseignement et sa qualité, le développement de la sécurité sociale, l'évolution du nombre de ménages et la situation sur le marché du travail. Ils peuvent être déterminants pour certaines problématiques.

Une réorientation des stratégies de production exige de pouvoir disposer d'un personnel suffisamment formé. L'accès à des formations permettant d'utiliser les nouvelles technologies de l'information dans l'enseignement et sur le lieu du travail représente aussi un élément important. La qualité de la sécurité sociale sera déterminante pour accompagner les effets de la politique vis-à-vis de la consommation de tabac et de la santé au travail. Enfin, plus les gens sont pauvres, plus ils acceptent de travailler dans des conditions dangereuses pour leur santé.

L'évolution du nombre de ménages influencera l'utilisation d'énergie et la demande de transports. Une augmentation du nombre de ménages est visible en Belgique ces dernières années, en dépit d'une population à peu près stable. Ceci aura tendance à augmenter la demande d'énergie et de transports. D'autres déterminants sociaux sont les chiffres de l'emploi et du chômage. Le nombre d'emplois généralement bas représente un déterminant important pour le développement de l'économie sociale.

4.1.5.6 Déterminants institutionnels

L'évolution de toutes les problématiques est étroitement liée au cadre légal et institutionnel (voir 1.1.3) dans lequel elles se développent (cadre qui peut couvrir plusieurs niveaux de compétence).

La pêche dépend en grande partie de la politique commune européenne de la pêche. Un Livre blanc européen sur les responsabilités sociales des entreprises est en cours de rédaction. Une nouvelle législation dans la plupart des pays européens, dont la Belgique, oblige les fonds de pension à rendre publique leur stratégie de placement. Ces deux derniers développements influenceront l'évolution du financement éthique. La santé au travail et la consommation de tabac peuvent être directement influencées par des mesures gouvernementales concernant les normes de produit et de production. La santé au travail peut également être influencée par les lois sur la protection des travailleurs et par les droits syndicaux. Enfin, la production et la consommation d'énergie dépendent dans une grande mesure de la réglementation du marché.

1wrr (1994). Duurzame Risico's: een Blijvend Gegeven. Wetenschappelijke Raad voor het Regeringsbeleid. n° 44. Standaard Uitgeverij: Den Haag.

2Le risque est vu dans ce Rapport comme une conséquence de l'incertitude. Il utilise ainsi la signification quotidienne du terme "risque" pour décrire toute situation qui pourrait mener à des conséquences néfastes. Cela va plus loin que la signification plus scientifique de probabilité (quantifiable) qu'un effet néfaste survienne.

3Van Asselt, Rotmans, Elsen & Hilderink (1995). Onzekerheid in geïntegreerde assessment modellen: een op culturele perspectieve gebaseerde methode. Nederland: rivm.

4Bureau fédéral du plan (1999). Rapport fédéral sur le développement durable. Sur la voie d'un développement durable ? Bruxelles: Bureau fédéral du plan.

6Voir notamment: a) Van Notten, Rotmans & Van Asselt (summitted to Futures 21/12/2001). An updated scenario typology: an attempt at synthesis. b) Rotmans, Kemp & Van Asselt (2001). Transition management in public policy. The Journal of Futures Studies, strategic Thinking and Policy. Vol. 3 n° 1. 2/2001. Cambord Publishing. c) Van Asselt & Rotmans J. (2002). Uncertainty in Integrated Assessment Modelling: from Positivism to Pluralism. Climate Change 00: 1-31.
d) rivm & icis (2001), Uncertainty and rivm's Environmental Outlook: Documenting a learning process. The Netherlands: rivm. e) Van Asselt (2000). Perspectives on Uncertainty and Risk: the prima approach to decision-support. Kluwer Academic Publishing, The Netherlands. f) icis (1999). Integrated Assessment: a bird's-eye view. Maastricht University, The Netherlands. g) Greeuw, Van Asselt, Grosskurth, Storms, Rijkens-Klomp, Rothman & Rotmans (2000). Cloudy Crystal balls: An assessment of recent European and global scenario studies and models. Exterps' corner report Prospects and scenarios n°. 4. Kopenhagen: eea.

7Il faut noter que le terme de "stock de capital" ne peut pas être réduit ici à la simple valeur d'usage économique de l'objet mais contient aussi la valeur de non-utilisation ou sa valeur d'existence intrinsèque.

8Rotmans e.a. (2001). Duurzame Ontwikkeling: van concept naar uitvoering. icis, Universiteit Maastricht.

9Ceci en appliquant la "loi de Hartwick" qui stipule que les revenus de l'exploitation de stocks de capital environnemental non renouvelables doivent être réinvestis en capital physique ou humain pour maintenir constant le niveau de la consommation.

10Dans le cadre p-e-r de la partie 2, ils forment les réponses de la politique à l'évolution des problématiques.

11L'élasticité de revenu restitue un effet d'un (petit) changement de revenu sur la demande d'un bien.

12csr Europe (2001). The European Survey on Socially Responsible Investment and the Financial Community. csr Europe and Euronext.