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5.3 Intégration

Le premier Rapport mettait en lumière le fait que le processus de transition vers un développement durable requiert une meilleure intégration des composantes sociale, environnementale et économique du développement, y compris sur le plan institutionnel. Il concluait cependant que la prise de décision restait souvent caractérisée par des difficultés d'intégration de ces composantes. Cette difficulté d'intégration était liée à un déficit de concertation et de coordination tantôt par manque de structures adéquates, tantôt par sous-équipement des organes existants. Bien que l'intégration des actions politiques eût commencé, elle semblait particulièrement difficile, surtout pour le pôle environnemental. Par ailleurs, le premier Rapport constituait un cadre méthodologique organisant l'intégration des trois composantes d'un développement durable, de façon à aider les décideurs à progresser dans la voie d'un développement durable.

Le besoin d'intégration des politiques s'est-t-il concrétisé par une intégration et une cohérence des objectifs ? S'est-il traduit par une intégration de la mise en œuvre des mesures décidées ? La plus grande difficulté d'intégration de certaines composantes d'un développement durable demeure-t-elle ? Le cadre méthodologique s'est-il enrichi d'outils pour faciliter l'intégration des politiques ?

5.3.1 Objectifs et mise en œuvre des politiques

L'évaluation des objectifs politiques relatifs aux dix problématiques a montré qu'il existait une cohérence des objectifs entre les différents niveaux de pouvoir (fédéral, européen et mondial) pour une problématique donnée. Mais il existe parfois, au le niveau fédéral, des tensions entre différents objectifs concernant une même problématique (comme c'est le cas par exemple pour l'énergie). Par ailleurs, les objectifs relatifs aux différentes problématiques ne sont pas reliés entre eux. A nouveau, il existe des tensions entre les objectifs et de plus, trop d'objectifs sont déclarés prioritaires. En l'absence d'une hiérarchisation de ces objectifs, il est difficile de se faire une idée de l'importance que le gouvernement leur accorde.

Un travail de mise en cohérence des objectifs des politiques à moyen terme menées au niveau fédéral a cependant été effectué à l'occasion de la préparation du Plan. Mais ce travail n'a pas pu être prolongé par une mise en cohérence systématique avec les objectifs définis par les entités fédérées. Aucun mécanisme n'a encore été formalisé pour intégrer les objectifs de développement durable définis au niveau fédéral aux objectifs des politiques menées au niveau des Régions et des Communautés. Quelques projets en ce sens, comme le projet de plan sur le climat et le projet de plan sur la santé et l'environnement, existent cependant.

Pour améliorer l'intégration de la mise en œuvre des mesures décidées, une ligne directrice du Plan prévoit d'améliorer les processus décisionnels sectoriels via leur décloisonnement et la création de nouvelles structures adéquates par le biais d'accords de coopération si nécessaire. Au sujet des organes de concertation et de coordination, elle prévoyait aussi une augmentation de la visibilité de ces organes ainsi qu'un accroissement de leur intégration. Au niveau fédéral, l'amélioration des interactions entre politiques sociales, environnementales et économiques et l'amélioration du fonctionnement interne des départements et entre les départements doivent empêcher que les cloisonnements départementaux continuent à faire obstacle à l'intégration des politiques.

Au sein même des départements, peu d'efforts ont été faits pour décloisonner les processus décisionnels sectoriels internes de manière à obtenir une meilleure intégration des politiques.

En ce qui concerne la concertation entre les départements, un mécanisme intégrateur a été créé avec l'installation en 1997 de la cidd dont le rôle principal est de renforcer la coordination et la cohérence des politiques fédérales de développement durable. La cidd a établi sa crédibilité dans ce domaine en fonctionnant de manière indépendante et décloisonnée. Elle constitue un outil important pour l'intégration des politiques de développement durable. Son fonctionnement a été dynamisé par l'exécution de missions relatives à la préparation du Plan1 et par un support méthodologique dans plusieurs groupes de travail par la Task force développement durable du Bureau fédéral du Plan (tfdd). Le fonctionnement de la cidd a cependant été rendu difficile par:

Au sujet de la nécessité d'intégration entre les différents niveaux de pouvoir, il n'y a pas jusqu'à présent de projet visant à formaliser la coopération entre ces niveaux sous la forme d'un accord de coopération pour la politique de développement durable.

D'autres instances de coordination et d'intégration des politiques préexistaient dont l'objet, bien que n'étant pas explicitement relié au développement durable, était cependant pertinent pour des politiques de développement durable. Une approche structurée de la coordination de ces instances est nécessaire pour mieux organiser leur travail3.

La réforme de la fonction publique entreprise au niveau fédéral pourrait, par la création de services publics programmatoires, constituer une opportunité supplémentaire pour décloisonner les départements de l'administration fédérale.

Le premier Rapport a aussi envisagé une modification du découpage des compétences ministérielles de manière à traduire la reconnaissance du rôle intégrateur du projet de développement durable par rapport à une série de problématiques. D'un côté, il était considéré que le découplage des responsabilités ministérielles sur l'environnement, d'une part, et sur le développement durable, d'autre part, accentuerait le manque d'intégration des composantes environnementales dans les autres politiques. D'un autre côté, il y était dit que cette double compétence aurait pu être mieux valorisée si elle avait été confiée à un ministre disposant d'un poids plus important dans le gouvernement. Suite aux élections législatives de 1999, ces responsabilités ministérielles furent néanmoins scindées. La compétence en matière de développement durable est confiée à un Secrétaire d'État dépendant de la Vice-première ministre en charge de la mobilité, et celle de l'environnement à une ministre étant chef de file gouvernemental pour son parti et prenant part à ce titre aux réunions du Conseil des ministres restreint. L'environnement n'est donc plus soumis formellement à d'autres thèmes politiques, mais cela reste le cas pour le développement durable. Cette situation explique en partie la faible priorité accordée à l'intégration des composantes du développement durable.

Une autre source de difficultés pour l'intégration des politiques est le partage des compétences particulièrement décentralisé entre les différents niveaux de pouvoir en Belgique. Cela complique la mise en œuvre pour certaines matières requérant une coopération importante avec les Communautés et les Régions. Lors de l'étape de mise en forme d'une mesure, ce sont surtout les problèmes d'intégration institutionnelle qui sont mis en avant, car ils constituent des obstacles structurels. Les modifications successives de la structure de l'État fédéral belge paraissent clairement être un obstacle. Il est nécessaire de rappeler que mettre en place une coopération formelle entre divers niveaux de compétence suite à une modification institutionnelle peut demander du temps. Le fait que la transposition de la directive sur les ogm ait mis huit ans montre que les ralentissements dus à des modifications de la structure de l'État ne sont pas un problème neuf.

5.3.2 Intégration des composantes

Le premier Rapport soulignait les déficits d'intégration suivants entre les composantes du développement durable: manque de liens suffisants entre les politiques sociales et environnementales, complémentarité insuffisamment exploitée entre la composante économique, d'une part, et les composantes sociales et environnementales, d'autre part. Ces déficits expliquent probablement en partie les mauvaises performances de la Belgique dans le domaine de l'environnement4. Or, comme le montre l'analyse d'une série d'indicateurs relatifs aux dix problématiques retenues, les liens entre les composantes sociales, environnementales et économiques sont nombreux. A titre d'exemple, le transport de personnes contribue à la croissance économique mais génère d'importantes émissions de co2, étant donné qu'il repose majoritairement sur la voiture. Ces émissions contribuent au réchauffement de la planète et éloignent la Belgique de ses engagements internationaux. Ce réchauffement pourrait porter atteinte à la biodiversité et par conséquent au développement humain en portant atteinte aux produits et services essentiels qui peuvent être offerts par la planète.

L'intégration de la dimension de l'environnement dans l'ensemble des politiques continue à se faire laborieusement, comme le montre la partie 3. Dans un certain nombre de départements où les liens avec l'environnement semblent pourtant évidents, par exemple la Régie des Bâtiments, elle n'est pas tentée. Les notes de politique générale de départements pour lesquels le lien avec l'environnement semble à première vue moins évident mais qui pourraient néanmoins intégrer utilement cette dimension, n'y accordent que peu ou pas d'attention. C'est le cas pour le service public Télécommunications, Entreprises et participations publiques et pour les Classes moyennes. Malgré tout le souci d'un meilleur environnement gagne du terrain ça et là, par exemple dans la Coopération au développement et dans les Transports.

Le souci énoncé par le Plan de relier systématiquement les préoccupations sociales, environnementales et économiques trouve plus d'écho dans les services dont les tâches principales sont sociales et environnementales. Cependant, les notes de politique générale des Affaires économiques s'intéressent à l'intégration des trois piliers.

5.3.3 Intégration sur le plan méthodologique

Comme le concluait le premier Rapport, lorsque des actions sont insuffisamment intégrées c'est aussi souvent parce qu'une attention insuffisante a été accordée au cadre de pensée (global ou cloisonné) dans lequel elles ont été préparées. Le Plan a prévu, sous la forme d'une ligne directrice, le développement de procédures d'analyse et d'évaluation5 qui permettent de mieux arbitrer les décisions de choix et de priorités tout en tenant compte des coûts annuels directs et des bénéfices futurs. Cette ligne directrice a aussi prévu un mécanisme d'évaluation des incidences des décisions sur le développement durable en vue de la prise de décisions à mettre en place au sein de l'administration.

En ce qui concerne l'évaluation intégrée préalable des décisions, qui pourrait aussi constituer un outil de gestion des incertitudes (voir 5.4), la cidd n'a pas pu avancer en la matière, faute de soutien scientifique et de moyens6. Cette question reste donc posée à l'ensemble des acteurs, de même que celle du développement d'outils quantitatifs intégrés au service de la prospective en matière de développement durable.

1Réalisation des documents suivants: projet de structure de l'avant-projet de Plan, projet d'avant-projet de Plan, proposition définitive d'avant-projet de Plan fédéral, documents de travail établis suite à la consultation, proposition de projet de Plan fédéral, document concernant l'ensemble des avis obtenus par la consultation, projet de motivation concernant l'avis du Conseil fédéral pour le développement durable. (ar du 1/12/1998 portant fixation des règles générales relatives à l'organisation et au fonctionnement de la cidd mb 22/12/1998).

2Compte rendu intégral du débat parlementaire sur la prospective (voir note 2 en bas de page 203): interventions de M. Petitjean (p. 7), de F. Sonck et de J. Verschooten (p. 4).

3Un premier travail d'inventaire des instances de coordination pertinentes pour les politiques de développement durable, réalisé par la cidd, en répertorie un grand nombre. F. Sonck (compte-rendu de la séance au Parlement sur la prospective (voir note 2 en bas de page 203) p. 2).

4L'ocde parle d'un retard à rattraper par rapport à un certain nombre d'autres pays membres de l'ocde. ocde (1998). Examen des performances environnementales - Belgique. Paris: ocde.

5Coût-bénéfice, coût-effectivité, calcul d'impacts budgétaire, environnemental et socio-économique, technology assessment...

6Compte-rendu du débat parlementaire p. 15 - Verschooten (voir note 2 en bas de page 203).

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