PreviousNext  
PreviousNext  
Printable version (PDF) 

5.6 Un pas vers un développement durable ?

Le 5 mai 1997, cinq ans après la Conférence de Rio, le parlement fédéral a adopté une loi relative à la coordination de la politique fédérale de développement durable qui fait de la Belgique fédérale l'une des pionnières dans le suivi des engagements souscrits à Rio en 1992.

Cette loi a connu un premier cycle d'apprentissage (voir figure 1.5.) au cours duquel ont été produits notamment deux documents officiels sur la coordination de la politique fédérale de développement durable:

Les conclusions du premier Rapport étaient structurées selon cinq principes de développement durable. Ces conclusions sont actualisées ici sur base d'un éclairage plus complet des processus de développement durable. Elles permettent de faire le point sur les changements structurels et les changements culturels en cours dans le cadre de ce cycle d'apprentissage de la politique fédérale de développement durable.

5.6.1 De la responsabilité mondiale à la responsabilité fédérale

Malgré les progrès constatés1, l'évaluation des politiques analysées dans ce Rapport montre qu'elles restent caractérisées par un manque de mise en perspective des options politiques par rapport aux enjeux de développement durable pour l'ensemble de la planète. Pourtant, les indicateurs montrent clairement la dimension mondiale de plusieurs problématiques.

Le Plan fédéral de développement durable adopté en juillet 2000 n'a encore pu produire qu'une partie limitée de ses effets. Il n'apparaît pas jusqu'à présent comme une référence pour l'ensemble des politiques menées par le gouvernement fédéral. Bien qu'une amélioration soit constatée, la diffusion du concept et de cinq principes fondamentaux de développement durable dans les notes de politique générale et dans les textes réglementaires reste limitée. L'adoption d'un canevas commun pour ces notes et de recommandations pour la rédaction des textes réglementaires pourrait aider les membres du gouvernement à davantage y préciser le contexte de développement durable dans lequel sont effectués leurs choix.

L'importance des cellules de développement durable, agissant comme mécanismes de relais dans chaque administration, semble aussi avoir été sous-estimée. La réforme en cours de l'administration fédérale pourrait constituer une opportunité pour renforcer ces mécanismes de relais, afin d`assurer une meilleure prise en compte des exigences d'un développement durable.

5.6.2 Vision à long terme

Le premier exercice de traduction des objectifs ultimes d'un développement durable en objectifs intermédiaires réalisé dans le Plan est un réel progrès. Mais cet exercice n'ayant pas connu les prolongements attendus, la politique fédérale reste caractérisée par le fait que les objectifs des politiques analysées dans ce Rapport sont rarement inscrits dans la perspective et les objectifs d'un développement durable.

Placer les mesures décidées ou envisagées dans une perspective de long terme pourrait aider la population à mieux comprendre les choix et alternatives politiques. Cela pourrait également aider les entreprises à s'orienter. En attendant, l'accent reste plus souvent mis sur l'annonce d'objectifs ambitieux que sur les améliorations concrètes de la correspondance entre objectifs et moyens disponibles. Peu de moyens nouveaux ont été libérés pour orienter l'action des différents acteurs de la loi du 5 mai 1997 vers un développement durable. Le Plan ne semble pas encore avoir pu initier une réallocation concrète des moyens qui correspondrait à la volonté affichée dans le Plan fédéral de développement durable 2000-2004 de réorienter les politiques fédérales vers un développement durable.

Malgré les conditions nouvelles créées par l'évolution favorable du contexte budgétaire en début de législature et la mise en place de mécanisme de concertation entre les niveaux de pouvoirs, l'administration manque donc de moyens adéquats pour contribuer au développement durable. Les moyens logistiques permettant d'appuyer la mise en œuvre du Plan ne sont pas ou peu existants. Les possibilités de coordination entre l'action des différents départements fédéraux restent donc limitées et le suivi des engagements, notamment de ceux contenus dans le Plan, est difficile à rendre opérationnel.

Le premier Rapport fédéral concluait à l'absence de "culture de la prospective" en Belgique. Quatre ans après, malgré l'existence d'un savoir-faire en matière de projections à moyen et à long terme, ce constat reste valable. Peu d'efforts ont été identifiés dont les buts soient de construire un cadre prospectif intégré et de combler le manque de moyens dont disposent nos institutions scientifiques et nos administrations en la matière.

5.6.3 Intégration

Une amélioration de l'intégration de la composante environnementale dans les politiques est constatée, mais les composantes sociale, environnementale, économique et institutionnelle des politiques de développement ne sont toujours pas systématiquement reliées les unes aux autres pour les intégrer dans des stratégies cohérentes.

Il existe parfois des tensions entre les objectifs politiques relatifs à chaque problématique prise isolément, les objectifs relatifs aux différentes problématiques ne sont pas reliés entre eux, pas plus qu'ils ne sont ordonnés en fonction de leur importance. Trop d'objectifs sont déclarés prioritaires, sans que les modalités d'arbitrage entre ces objectifs soient clarifiées. En ce qui concerne le grand nombre d'instances de coordination existant au niveau fédéral, une approche structurée permettrait de mieux organiser leur travail au service d'un développement durable. En ce qui concerne l'intégration sur le plan méthodologique, les outils prévus (procédures d'analyse et d'évaluation, évaluation intégrée des incidences des décisions) n'ont pas encore été développés.

L'intégration des objectifs de développement durable définis au niveau fédéral et des objectifs des politiques concernées menées au niveau des Régions et des Communautés pourrait, elle aussi, être améliorée au moyen d'un mécanisme de coopération. Celui-ci pourrait être formalisé par la mise en place d'une structure commune. L'intégration dans les phases de conception et de mise en œuvre des mesures prises à chaque niveau pourrait aussi être améliorée de la sorte.

5.6.4 Reconnaissance des incertitudes scientifiques

Le travail effectué, tant sur les documents officiels que dans les études de cas, suggère un manque de culture d'identification et de gestion des risques en amont de la prise de décision2. Des risques importants identifiés dans ce Rapport ne sont en général reconnus qu'après leur manifestation concrète.

La prise en compte des incertitudes scientifiques et des risques dans le processus de décision politique reste malaisée. Elle bute sur l'absence d'outils méthodologiques et sur la difficulté de rendre opérationnel le recours au principe de précaution. Trop peu d'efforts méthodologiques semblent avoir été entrepris pour améliorer l'articulation entre les approches scientifiques et les approches politiques, notamment par un recours accru à des recherches transdisciplinaires. Pourtant, des résultats de recherche transdisciplinaires, tout comme la disposition d'outils conceptuels adéquats et de bonnes analyses prospectives, font partie des préalables à une participation responsable.

En matière d'indicateurs pour un développement durable, un certain nombre d'initiatives favorables ont été prises, à la fois pour concevoir des indicateurs et pour améliorer la concertation à leur sujet. Pour plusieurs problématiques analysées dans ce Rapport, des indicateurs pertinents et/ou des données de qualité font cependant encore défaut. Cela plaide pour une accélération des efforts entrepris.

5.6.5 Approche participative

Si la participation est bien intégrée dans la pratique politique belge, elle s'exerce selon une grande variété de modes opératoires. Une certaine guidance des pratiques de consultation pourrait éviter certains écueils et permettre de mieux utiliser les ressources limitées qui sont consacrées aux mécanismes participatifs.

Une meilleure articulation du fonctionnement de différents conseils consultatifs est souhaitable. L'absence de représentation de certains des grands groupes sociaux définis par Action 21 dans les organes consultatifs pertinents pour un développement durable demeure.

Faute d'une meilleure adéquation entre les décisions prises et les moyens mis à disposition pour les appliquer (par les gouvernements, le parlement..., l'administration fédérale belge reste placée en situation d'échec par rapport au développement durable. L'analyse des processus de décision montre que la prise de décision, notamment au niveau fédéral, doit être améliorée de façon à tenir systématiquement compte des enjeux d'un développement durable; les départements gagneraient à revoir leurs procédures de préparation des décisions en ce sens.

Les carences identifiées dans les conclusions du premier Rapport fédéral subsistent pour la plupart. Mais un chemin important a malgré tout été parcouru depuis 1992, tant dans l'évolution des mentalités que dans celle des institutions. Il reste à présent deux ans pour compléter la mise en œuvre du premier Plan fédéral de développement durable. L'application des lignes directrices qu'il contient pourrait aider à renforcer cette mise en œuvre, mais aussi à augmenter la portée du Plan.

Le présent Rapport n'atteindra son but que s'il s'insère harmonieusement dans le cycle de la décision instauré par la loi du 5 mai 1997 relative à la politique fédérale de développement durable. Si ses conclusions se veulent orientées vers l'action, c'est donc pour pouvoir être utiles à tous les acteurs, notamment à ceux de la préparation du deuxième Plan fédéral de développement durable. Le premier cercle de ces acteurs comprend le gouvernement fédéral, la Commission interdépartementale du développement durable, le Service public de programmation du développement durable, les autres services publics fédéraux et le Conseil fédéral du développement durable. Mais au-delà de ces acteurs, l'enjeu est aussi de s'adresser à la société civile dans toute sa richesse, aux acteurs des autres niveaux de pouvoir en Belgique, et d'apporter une contribution aux démarches engagées dans d'autres pays pour un développement durable.

1Progrès constatés dans les politiques évaluées par ce Rapport jusqu'au 31 décembre 2001, mais aussi après, à l'occasion d'événements internationaux tels que la Conférence internationale sur le financement du développement, tenue à Monterey en mars 2002 et le Sommet mondial sur le développement durable, tenu en août 2002 à Johannesburg.

2Cette conclusion doit être tempérée par le fait que la méthodologie d'évaluation retenue repose sur les notes de politique générale et sur une série d'études de cas. La couverture nécessairement incomplète de l'ensemble des mesures prises par les autorités fédérales fournie par cette approche ne permet pas de conclure catégoriquement qu'il n'existe aucune prise en compte des risques en amont de la prise de décision.

  PreviousNext
  PreviousNext

Bureau fédéral du Plan - Federaal Planbureau [ http://www.plan.be ] - Please send your comments or remarks to webmaster@plan.be